Le Japon vit depuis trente ans une crise économique et sociale multiforme. Sa dette publique est la plus élevée du monde. Les revenus stagnent, le taux de pauvreté est double du nôtre, sa population diminue et vieillit, sa jeunesse paraît démoralisée...
Pourtant, le Japon se tient et se supporte fort bien lui-même. Il est dur et brutal sous certains aspects, mais le chômage y est inconnu, la délinquance négligeable, et les services d’une qualité inimaginable. Ce qui divise les Français, à commencer par les religions et les médias, y conforte au contraire la cohésion nationale. Sportifs et célébrités en tous genres se doivent d’être exemplaires, sous peine d’être durement sanctionnés par l’opinion. Du haut en bas de la société, on s’excuse, souvent pour très peu et parfois pour beaucoup, et ce rituel qui, vu de chez nous, semble n’être que du théâtre, a une réelle efficacité sur le moral de la communauté.
On peut y voir le résultat d’un formatage omniprésent dont le conformisme tue le dynamisme, la créativité et les rêves. Mais on peut aussi penser que la manière dont le Japon échappe aux fractures qui stressent la France, et à certains des maux qui pourrissent la vie des Français, vaut d’être regardée de plus près. Quitte à ce que les leçons du Japon semblent attentatoires à ce qui est politiquement (et autrement) « correct », et donc – comme je l’espère – susciter la discussion, comme il l’a déjà fait dans les médias français.
Jean-Marie Bouissou est normalien, agrégé d’Histoire. Après avoir vécu quinze ans au Japon, il a été directeur de recherche et enseignant à Sciences Po (1990-2016), dont il est aujourd’hui le représentant à Tokyo. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur le Japon, dont les plus récents sont Géopolitique du Japon (2014) et la quatrième édition de Manga. Histoire et univers de la bande dessinée japonaise (2018).
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