Institut français de recherche sur le Japon à la Maison franco-japonaise UMIFRE 19, MEAE-CNRS Séminaire doctoral
Nous aurons le plaisir d’écouter l'interventions de :
Arnaud STOCKINGER, doctorant en Études de l’Asie et ses Diasporas à l’université Jean Moulin Lyon 3, auditeur libre à Kobe Daigaku (Intercultural Studies). « Réflexion sur le rôle des personnages féminins dans les œuvres du réalisateur KINOSHITA Keisuke »
Quand on en vient à examiner les représentations cinématographiques du désir homo-sexuel masculin dans le cinéma japonais, il a été établi que l’œuvre du réalisateur Kinoshita Keisuke offre un terrain incontournable à l’analyse. Parmi les recherches basées sur le genre et l’homosexualité dans les films de Kinoshita, Ishihara (1999) et Kubo (2015 a et b), occupent une place capitale. Ishihara, reliant handicap physique et désir homo-sexuel chez les personnages masculins, ancre un désir queer aux corps des personnages qu’elle attribue à la sexualité du réalisateur lui-même. Cependant, Kubo, source primaire pour cette présentation, montre que certains éléments du langage cinématographique (cadrage, jeu, etc.) tendent à accentuer les relations entre personnages masculins, bien que le désir homo-sexuel ne soit jamais confessé au travers de la narration, et cela, sans chercher à éclairer une quelconque intention de l’auteur.
Notre exposé se concentrera sur la représentation des personnages féminins, élément que nous pensons insuffisamment discuté dans les travaux de Ishihara et Kubo. Et ce particulièrement concernant leur importance dans la construction de l’homosocialité selon la théorie de Sedgwick. Nous traiterons ainsi de comment les personnages féminins sont représentés, et comment ils détiennent un rôle-clé quant à la mise en valeur des dynamiques du désir queer, homo-sexuel dans l’œuvre de Kinoshita. Nous basant sur les œuvres entre 1948 et 1959, nous tâcherons de mettre en valeur comment les personnages féminins sont relayés au deuxième plan, accentuant la mise en relief de leur homologues masculins, personnages principaux ou encore centres du déroulement narratif. Ensuite, nous examinerons comment la non-normativité/non-hétéronormativité de ces derniers est connotée par l’exclusion, le rejet des personnages féminins.
L’intérêt de cette présentation est pour nous de proposer une nouvelle grille de lecture du désir homo-sexuel basée sur les dynamiques entre les personnages féminins et masculins, au sein d’un cadre représentant l’homosocialité masculine.
et de :
Macha SPOEHRLE, doctorante à l’université de Tokyo/université de Genève (assistante suppléante pour le semestre de printemps 2019). « Le Daijôsai ou les origines du pouvoir impérial selon Orikuchi Shinobu »
Quelles pourraient être les raisons de (re)lire l’œuvre d’Orikuchi Shinobu (1887-1953), aujourd’hui ? L’intérêt pour ses écrits, en particulier dès les années 1960 et suivant l’essor des études sur le folklore, n’a pas faibli et pourtant, sa place n’est toujours pas clairement définie au sein du paysage intellectuel et littéraire japonais. L’une des questions qui sous-tend les études et commentaires à son sujet pourrait se résumer ainsi : Orikuchi serait-il un fervent défenseur d’idées conservatrices, ou au contraire, un penseur révolutionnaire, à la plume parfois avant-gardiste ? Bien que révélatrices de préoccupations dépassant souvent l’œuvre et son époque de production, ces questions nous serviront de guide, afin d’examiner l’un des textes d’Orikuchi les plus contestés, Daijôsai no Hongi (Principes du Daijôsai, Premier rituel des prémices), en particulier depuis sa médiatisation dans les années 1990. Publié en 1928, cet article traite des origines et de la formation du pouvoir impérial, à travers le rituel en question. La théorie d’Orikuchi présuppose l’existence d’une « âme impériale », qui prendrait possession du corps du futur empereur, dans un lieu prévu à cet effet. D’autre part, le futur empereur serait aussi tenu d’observer une stricte période d’abstinence, au terme de laquelle son pouvoir serait enfin libéré, lors des ablutions, par le service d’une prêtresse (miko).
Le problème de cette interprétation du rituel par Orikuchi, tel qu’on l’a formulé, est la nature non divine du corps de l’empereur et le caractère acquis du pouvoir qui en découle, ne nécessitant pas la mort de l’empereur précédent. Pourtant, la seconde partie mettant en scène la relation entre l’empereur et la prêtresse, n’est en général pas ou peu prise en considération dans les critiques. Selon notre lecture, cette dernière constitue une clé de compréhension de ce texte, que nous proposons de faire dialoguer avec un texte de fiction du même auteur. Par cette analyse, nous tenterons de démontrer que les préoccupations d’Orikuchi reflètent celles d’une époque tourmentée, au sujet de la figure impériale et de la succession de son pouvoir, mais aussi qu’elles dévoilent et annoncent certains paradoxes et écueils du système impérial. Ainsi, la fin de l’ère Heisei et l’avènement du nouvel Empereur verra sans doute naître un engouement, ou au contraire, attirera une nouvelle vague de critiques contre les théories du poète folkloriste.
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