En France Serge Daney est une sorte de Dieu, les étudiants, les critiques et les cinéastes le citent à l'égal de Bazin ou de Deleuze et même plus que lui. À l'étranger c'est autre chose : alors même que le voyage tenait une place centrale dans sa vie, Serge Daney reste peu traduit, mal connu, beaucoup moins en tout cas que les mêmes Bazin et Deleuze. Et pourtant Daney est le plus grand critique de cinéma que les Cahiers du cinéma puis Libération ont jamais connu. On pourrait même dire : que la France a jamais connu. Voire : que le monde a jamais connu. Comment expliquer cela à des gens qui aiment le cinéma, qui s'intéressent à la critique de cinéma et à la pensée sur le cinéma, mais qui n'ont pas lu Daney, ou à peine ? C'est que propose de faire cette intervention. On pourrait dire que Daney est extrêmement français, notamment dans son écriture, remplie de jeux de mots, et que c'est cela qui a rendu et continue de rendre difficile son « exportation ». C'est vrai. Mais cette intervention préférera retenir une autre explication : le génie de Daney, c'est qu'il a considéré le cinéma et la critique comme une langue étrangère, voire comme la rencontre de deux langues étrangères. Pour que ceux qui vivent loin de France découvrent mieux Daney, il ne faut pas insister sur son côté français, il faut au contraire mettre en valeur tout ce qui, chez lui, est lié à la traduction – et à l'intraduisible –, à l'idiomatique – et donc au polyglottisme –, au comique – et donc à l'étrange, à l'étranger.
Profil : Emmanuel Burdeau est critique de cinéma. Ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, il écrit désormais pour Mediapart. Il prépare plusieurs livres, dont une biographique théorique de Serge Daney.
【講師】エマニュエル・ビュルドー(Mediapart) 【司会】マチュー・カペル(日仏会館・フランス国立日本研究所) 【主催】日仏会館・フランス国立日本研究所
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