André Malraux et la spiritualité japonaise - Souvenir de son voyage à la cascade de Nachi et à Ise
Date | lundi 22 mai 2023 / 18 h - 20 h |
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Lieu | Auditorium |
Conférencier | TAKEMOTO Tadao (écrivain, traducteur) |
En mai 1974, André Malraux se rendit au Japon pour la quatrième et dernière fois. Ce qui fit le clou de ce voyage fut une expérience bouleversante ― telle, qu'elle pourrait être considérée comme une révélation ― qu'il subit devant la cascade de Nachi, puis dans le sanctuaire intérieur d'Ise. Deux ans et demi plus tard, il quitta le monde paisiblement après avoir rédigé les réflexions tirées de cette expérience dans ses derniers ouvrages : L'Intemporel et L'Homme précaire et la littérature. Quelle fut cette expérience qui frappa tellement Malraux et quel sens pouvait-elle avoir ? Moi qui l'accompagnais et observais tout ce qui lui était alors arrivé, voilà ce que je suis tenté de témoigner ici. Il faut remarquer de prime abord que cet événement ne lui est pas arrivé fortuitement, mais comme une cristallisation des liens qu'il avait approfondis sans cesse avec le Japon pendant trente-sept années, depuis son premier voyage dans ce pays en 1931. Le moment unique où il en énonça la signification en public, n'est rien d'autre que son discours inaugural prononcé en février 1960 comme ministre des Affaires culturelles, dans la nouvelle Maison franco-japonaise. Il y proclama que le vrai Japon n'était pas dans le pittoresque des estampes, mais dans la noblesse du bushido tel que l'impliquait le portrait de Shigemori, peint par Takanobu du XIIe siècle. Jeune secrétaire de la Maison, âgé de 27 ans, présent sur l'estrade de l'auditorium, je fus saisi d'un grand émoi. Je le rencontrai par la suite plusieurs fois jusqu'à la fin de sa vie en 1976. Au cours des huit entretiens personnels que j'eus avec lui, c'est vers la fin de sa vie que je l'entendis me dire que la spiritualité japonaise était ouverte et que c'était très rare. Il suggérait que là était le chemin à suivre pour le Japon qui se cherche. Si l'on rapproche ces mots de ceux qui sont devenus célèbres : « Le XXIe siècle sera encore spirituel, ou ne sera pas » ; alors, il devient clair que c'est là ce qu'il espérait le plus du Japon. Lourd est cet oracle, à notre époque qui risque de plus être. Tout commença sur le vieux chemin du pèlerinage de Kumano à Ise. Qu'est-ce qu'il y a vu ? À nous de retracer ses pas, ensemble.
Ancien boursier du gouvernement français. Écrivain, poète, traducteur-ami d'André Malraux. Professeur émérite à l'université de Tsukuba, ancien professeur invité au Collège de France, Tadao Takemoto est né à Osaka en 1932. Après la soutenance de son mémoire de maîtrise à l'université de Tôkyô kyôiku daigaku (l'actuelle université de Tsukuba) : La littérature moderne et la cicatrice de la mort de Dieu : Étude comparative entre Pascal et Malraux, il occupe en 1958 un poste de secrétaire de la Maison franco-japonaise où il rencontre Malraux, venu en messager spécial du général de Gaulle. En février 1960, lors de la cérémonie d'inauguration de la nouvelle Maison franco-japonaise, il assiste au discours historique de Malraux, ministre d'État chargé des Affaires culturelles. Ému à l'extrême par les idéaux de l'auteur de La condition humaine , exprimée par ces mots ― « Pour le monde entier, laissez la France être la mandataire de l'âme japonaise ! » ― , il décide de se consacrer au dialogue des civilisations entre l'Est et l'Ouest. Parallèlement à sa lecture passionnée de la littérature française, il s'initie au zen sous le bâton de deux maîtres : Daisetsu Suzuki et Shin-ichi Hisamatsu. Il leur pose tour à tour une question fondamentale sur le « sacré », inspirée d'une certaine vision malrausienne formulée dans Saturne, Essai sur Goya, qu'il traduira. Fort de la réponse qu'il put obtenir, il part à Paris en 1963, à l'âge de 30 ans, comme boursier du gouvernement français. Ses deux longs séjours à Paris s'étendent de 1963 à 1974 et de 2002 à 2007. Pendant la première période, il est critique littéraire et d'art, d'un côté, et publie de nombreux écrits, comme « Le Rire libérateur (du zen) » dans Le Monde (19 mars 1971) ou comme « Mishima pour ou contre Bataille » dans la Nouvelle Revue Française d'avril 1974 ; et, d'un autre, comme conseiller culturel technique de l'Ambassade du Japon, il organise une série d'expositions importantes sur les arts japonais contemporains. La seconde période est surtout marquée par la publication de Sé-oto, le chant du gué, Anthologie de 53 waka de l'impératrice Michiko du Japon. Au cours de ces nombreuses années, se poursuit son contact intense avec Malraux qui atteint son apogée avec l'arrivée de ce dernier au Japon en mai 1974. Il l'accompagne, durant trois semaines, servant notamment d'interprète du « cours impérial » donné par Malraux au prince héritier Akihito et à la princesse Michiko. Il assiste enfin à l'expérience mystérieuse subie par Malraux devant la cascade de Nachi, puis le sanctuaire intérieur d'Ise. Plus tard, en 1988, il témoignera de son expérience au Collège de France, répondant à l'invitation de Bernard Frank, ancien directeur de la Maison franco-japonaise. Les cinq leçons données sous le titre d'André Malraux et la cascade de Nachi seront publiées plus tard chez Julliard. Après avoir publié en 2021 son autobiographie spirituelle de huit volumes, Michi yorino Bara, il prépare actuellement à l'âge de 90 ans la publication en France de Mishima et Malraux, Les voyageurs de Maya et, au Japon, une Nouvelle anthologie de la poésie française.
Modérateur : Bernard THOMANN (IFRJ-MFJ) Organisation : IFRJ-MFJ |
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