Date | mercredi 27 octobre 2021 / 18 h - 20 h (JST) |
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Conférencier | Magali DREYFUS (CNRS, univ. de Lille), IIDA Tetsunari (Institute for Sustainable Energy Policies), KAWAI Hiroyuki (avocat) Discutant : Rémi SCOCCIMARRO (univ. Toulouse Jean-Jaurès) |
Cette conférence se tiendra sur la plateforme Zoom. Merci de bien vouloir les entrer dans l'application Zoom afin de participer à l'événement. CLIQUER ICI POUR VOUS INSCRIRE Pour plus d'informations sur les modalités d'adhésion, veuillez consulter : https://support.zoom.us/hc/fr/articles/115004954946-Rejoindre-et-participer-%C3%A0-un-webinaire-participant- Cinquième conférence du cycle « Des procès anti-nucléaire aux contentieux de la transition énergétique ? Nature et évolution de la judiciarisation dans le secteur de l’énergie au Japon et en France »
Résumé : En France, l’activité contentieuse dans le secteur de l’énergie est ancienne et dense. Elle couvre une multitude d’objets et de situations, et intéresse les juridictions administratives comme l’ordre judiciaire. Dans ce contentieux, une part significative des recours est portée par des associations de protection de la nature, des riverains ou autres défenseurs d’un territoire qui estiment que l’exploitation de centrales de production d’énergie, qu’elle soit d’origine nucléaire ou de source renouvelable, portera atteinte à l’environnement local. Dans ce contexte, cette intervention prolongera les questionnements des séminaires précédents sur le phénomène de judiciarisation des enjeux environnementaux, à partir du cas de l’énergie. Observe-t-on un usage militant du droit dans ce secteur ? Et peut-on repérer l’émergence d’un contentieux de la « transition énergétique » ? Nous tenterons de répondre à ces questions, à partir d’un examen rapide de la jurisprudence récente dans le secteur du nucléaire et des énergies renouvelables. Nous jaugerons ainsi les rapports de force entre les parties, et scruterons l’imbrication complexe entre motivations d’ordre politique et ancrage territorial des conflits.
Résumé : Avant l'accident nucléaire de Fukushima du 11 mars 2011, plusieurs actions pour fermeture préventive ont été intentées pour différents sites de centrales nucléaires, mais la plupart d'entre elles ont été perdues, à l’exception de deux affaires (la Haute Cour de Nagoya, branche de Kanazawa, concernant le site de Monju, et le Tribunal de district de Kanazawa concernant la centrale de Shiga). Ces deux affaires ont fait l'objet d'un recours et ont été immédiatement annulées par les juridictions supérieures. Des mobilisations antinucléaires ont été organisées sur chacun des sites, ainsi qu'à Tokyo et à Osaka notamment, mais sans susciter d’élan national suffisant. La faible participation citoyenne au mouvement antinucléaire s’explique en grande partie par la diffusion de la « Campagne sur la sûreté, la sécurité et la nécessité du nucléaire » menée depuis près de 50 ans par le « Village nucléaire » (genshiryoku mura) qui regroupe les acteurs institutionnels prenant part au développement du nucléaire civil au Japon. Ils ont entretenu une croyance dans la sureté des centrales nucléaires – du moins la croyance qu’aucun accident grave ne pouvait se produire – partagée au sein de l’opinion publique. L’accident de Fukushima a changé la perception du public sur la dangerosité de l'énergie nucléaire. La conviction et la détermination des avocats militants qui plaidaient contre les centrales nucléaires en furent renforcées. Ils ont créé l'Association nationale des avocats pour un Japon sans énergie nucléaire et ont intenté de nouvelles actions en cessation préventive contre des centrales nucléaires dans tout le pays à l'exception de la centrale de Higashidōri. En conséquence, ils ont gagné plusieurs affaires (centrale d’Oi, décision du tribunal de district de Fukui ; centrale de Takahama, injonction provisoire du tribunal de district de Fukui, centrale d’Oi injonction provisoire du tribunal de district d'Otsu, et centrale d’Ikata, injonction provisoire du tribunal de district et de la Haute Cour de Hiroshima). Malheureusement, ces décisions ont été annulées en appel. Toutefois, selon ces avocats, le contexte actuel s’est amélioré en comparaison avec la période antérieure à l’accident de Fukushima, caractérisée par des défaites successives devant les tribunaux. Immédiatement après l'accident de Fukushima, l'opinion publique et le mouvement antinucléaire se sont fortement mobilisés contre les défenseurs des centrales nucléaires. Cependant, suite à l’alternance politique au gouvernement (défaite du Parti démocrate du Japon au profit du Parti libéral-démocrate), les forces pro-nucléaires ont repris pied et l'opinion publique antinucléaire s'est amoindrie. À cela s’ajoute une augmentation des décisions de justice approuvant le redémarrage des centrales nucléaires. Récemment, cependant, des juges se sont à nouveau prononcés contre le redémarrage de la centrale nucléaire d'Oi (tribunal de district d'Osaka) et de la centrale nucléaire de Tokai Daini (tribunal de district de Mito). La décision concernant Tokai Daini est particulièrement importante. En effet, les juges ont décidé qu’en l’absence de plan d'évacuation en cas d'accident grave (ou de son inefficacité), la centrale doit être fermée pour cette unique raison (même si sa sûreté a été certifiée). Ce raisonnement peut être appliqué à toutes les centrales nucléaires. Néanmoins, le taux de réussite des contentieux pour fermeture préventive est très faible. Ces litiges demandent en effet un niveau de connaissance scientifique et technique très élevé. Ce niveau de difficulté joue en défaveur des plaignants face aux arguments des entreprises et du gouvernement. C’est la raison pour laquelle ces avocats militants veulent réformer le contentieux relatif à l’injonction de fermeture préventive, en s’appuyant notamment sur le plaidoyer de l'ancien juge Hideaki Higuchi qui a pris la décision historique d'arrêter la centrale nucléaire d'Oi. L’objectif des avocats militants contre le nucléaire est de promouvoir vigoureusement la campagne d'arrêt des centrales nucléaires, d’engager des poursuites judiciaires, et de promouvoir les énergies renouvelables.
Résumé : Au Japon, où la politique énergétique (y compris l'énergie nucléaire et la politique climatique) a toujours été décidée de manière opaque par l'État, la sensibilisation du public s'est longtemps limitée à des actions en justice contre les sites de centrales au charbon et nucléaire. Toutefois depuis la fin des années 1990 cette situation a changé et nous avons notamment contribué à cette évolution. En novembre 1998, à la suite du succès de ce dispositif en Allemagne et dans d'autres pays, une mobilisation nationale s’est organisée au Japon pour soutenir le projet de loi d’initiative parlementaire sur les tarifs d’achat (Feed in Tariff Law) que nous avons rédigé. À cette époque, notre projet de loi a échoué, cependant en 2002, la loi d’initiative gouvernementale (ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie, METI) a finalement été adoptée conduisant à l'application ultérieure de la loi FIT en 2011. En étroite collaboration avec le gouvernement de Tokyo, nous avons participé au changement de politique énergétique au niveau municipal.
(Application en trois étapes de la réforme du système par le ministère de l'Environnement, en 2008, le premier système asiatique d'échange de quotas d'émissions a été lancé).
Le département de Fukushima, subordonné à la politique nucléaire nationale depuis 2000, a créé son propre groupe d'examen de la politique énergétique à l'initiative du gouverneur de l'époque, Satō Eisaku. Nous avons été sollicités à cette occasion pour participer à une analyse critique des essais actifs qui étaient sur le point de débuter à l'usine de retraitement de Rokkasho en 2004, suite à laquelle nous avons demandé avec le département de Fukushima une révision du cycle du combustible nucléaire. L'accident a causé de grands dommages à l'ensemble du pays et a, dans le même temps, fondamentalement modifié la prise de conscience du public à l'égard de l'énergie nucléaire et de l'énergie en général. Dans ce contexte, le Premier ministre de l'époque, Kan Naoto, a fait adopter la loi FIT en 2011 malgré les oppositions virulentes. Le département de Fukushima a décidé en 2012 de passer à 100 % d'énergies renouvelables d'ici 2040, sur nos recommandations. Dans le cadre du processus d’élaboration du « Plan de base pour l'énergie », le premier sondage d'opinion publique a été réalisé recevant 90 000 commentaires publics, conduisant à la décision de sortir du nucléaire dans les années 2030. Fin 2012, le gouvernement du Premier ministre Abe Shinzō, fortement influencé par le METI, a repris l’ancienne approche top-down de gestion du pays, excluant les citoyens du processus décisionnel, et renouant avec une politique favorable à l'énergie nucléaire. Par ailleurs, la loi FIT a facilité la commercialisation des énergies renouvelables (en particulier l'énergie solaire) et la plus grande sensibilisation du public a conduit au lancement de projets énergétiques communautaires dans tout le pays, que nous soutenons activement. Les gouvernements successifs d’Abe, Suga et Kishida visent à restaurer l'ancien ordre énergétique et l'énergie nucléaire, tandis que le reste du monde développe les énergies renouvelables (énergie solaire, énergie éolienne, batteries de stockage et véhicules électriques) entraînant un retard du Japon dans ces domaines. Il existe également un conflit grandissant entre les États qui soutiennent l'énergie nucléaire et les citoyens qui demandent à en sortir. En raison de l'expansion rapide des énergies renouvelables et des réformes parallèles du marché de l'électricité, on observe un vif essor des nouveaux systèmes, des politiques publiques innovantes et des questions juridiques associées, or les réponses du gouvernement japonais dans ces domaines restent tardives. Iida Testunari a fondé et présidé depuis 2000 l'Institut pour les politiques énergétiques durables (ISEP), une entité indépendante à but non lucratif dans le domaine des énergies renouvelables. Il est à l'origine de plusieurs innovations sociales liées à l'énergie, telles que l'élaboration du FIT (Feed-in Tariff) en 1999, la création d'un « Green Certificate Scheme » volontaire avec TEPCO et SONY en 2001, la création de la première éolienne communautaire du Japon à Hokkaidō avec la première obligation communautaire en 2001, ainsi que la mise en place d'une « Agence locale pour l'énergie et l'environnement », inspirée du modèle danois, à Nagano en 2004. Il a participé activement à l’élaboration des politiques publiques au niveau nationale et local, notamment dans les domaines du nucléaire, des énergies renouvelables et du climat. Il a également contribué à l'introduction du système de plafonnement et d'échange « Cap & Trade » au sein du gouvernement de Tokyo et à l'objectif de 100 % d'énergies renouvelables pour Fukushima et Nagano. Il a reçu le World Wind Energy Honorary Award 2016, il est membre du Xprize Abundant Energy Alliance (AEA) Brain Trust (2021-), et du Taiwan Presidential Hackathon International Track judges (2021).
Rémi Scoccimarro est géographe, maître de conférences en langue et civilisation japonaises à l'université de Toulouse Jean-Jaurès. Ses travaux portent sur la reconversion des fronts de mer et les recompositions socio-démographiques des centres-villes au Japon. Depuis la catastrophe du 11 mars 2011, il consacre une grande partie de ses activités de recherche aux conséquences socio-spatiales du tsunami et de la pollution radioactive sur les territoires et les populations du Nord-Est de l’Archipel. Résident depuis 2016 à Tokyo, il est chercheur-associé à l’Institut français de recherche sur le Japon (UMIFRE 19) à la Maison franco-japonaise, où il poursuit son projet « L'énergie du territoire : politiques énergétiques locales et développement territorial dans le Japon post-Fukushima », ainsi qu’un suivi cartographique de la pandémie de Covid-19 au Japon.
Organisation : IFRJ-MFJ
Cycle « Judiciarisation des enjeux sociaux et environnementaux au Japon et en France » |
* L'accès aux manifestations de la MFJ est gratuit (sauf mention contraire), mais l'inscription préalable est obligatoire.
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