Maison franco-japonaise Institut français de recherche sur le Japon UMIFRE 19
Séminaire doctoral de la Maison franco-japonaise avec JAPARCHI
Séance du 30 octobre 2018 Poursuite du lexique sur la spatialité au Japon
Pour cette séance très spéciale en partenariat avec le réseau scientifique thématique Japarchi, nous aurons le plaisir d'écouter les interventions de :
Léo Martial, chercheur à Yokohama National University « Synergie du vélo et du transport public - Analyse croisée entre l’Europe et le Japon pour un développement urbain ferroviaire et cyclable »
Le transport urbain rassemble aujourd’hui de nombreuses préoccupations à différentes échelles : environnement, économie, lien social. De nombreux acteurs de tous milieux regrettent depuis des décennies une politique tout-automobile en Occident. Une alternative crédible à la voiture est un développement urbain basé sur l’alliance du train et du vélo, combinant la vitesse du rail et l’accessibilité de la bicyclette. Cela pose néanmoins de nombreux défis à relever pour élaborer de tels projets convenablement : la création ou l’amélioration de parkings à vélos (churinjō 駐輪場), de nouvelles politiques de vélos à bord des trains (rinkō 輪行) afin de proposer une intermodalité cyclable optimale (bike-and-ride サイクルアンドライド, park-and-ride パークアンドライド). Je propose une analyse croisée entre l’Europe proposant des infrastructures cyclables efficaces aux Pays-Bas et au Danemark et le Japon avec son système ferroviaire performant et singulier, accueillant les gares (eki 駅) les plus fréquentées au monde.
Et de :
Etienne Lombard, Étudiant en Master 2 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La-Villette « La paille de riz pour la construction de maisons individuelles au Japon – 日本の戸建住宅用稲わら – Nihon no kodatejūtaku-yō inewara »
L’apparition des maisons traditionnelles (machiya 町屋 ou minka ⺠家) a eu lieu au cours de l’ère HEIAN (Heian- jidai, 平安時代, de 794 à 1185) au Japon. Ce type d’habitat est le reflet des traditions locales des communautés, répond à des nécessités locales et est construit selon une logique d’approvisionnement en ressources naturelles locales ( shizen shigen o katsuyō suru, 地元自然資源を活用する), notamment pour les matériaux de construction (
建築材料). Ce sont à travers la maison traditionnelle que sont nées les origines de l’habitat au Japon. Dans celle-ci résident ainsi les différentes façons de vivre des Japonais.
Les solutions exprimées à travers la maison traditionnelle japonaise illustrent comment un comportement humain, responsable et comment une conception architecturale peuvent significativement diminuer les consommations en énergie. Ce type d’habitat se montre vertueux pour l’environnement et ses performances environnementales résident dans le contexte socioculturel dans lequel il est bâti. Les modes de vie ayant évolué, le contexte historique dans lequel s’inscrivaient ces maisons ne demeure plus même aujourd’hui. À la fin de la Seconde Guerre Mondiale, certaines villes de l’archipel nippon rasées par les bombardements ont dû être reconstruites. Le cas de la capitale, Tōkyō (東京), détruite à hauteur de 70%, a dû être reconstruite rapidement, faisant ainsi recours à de nouveaux matériaux pour la construction. L’acier (hagane, 鋼) et le béton (Konkurīto, コンクリ ート) sont alors devenus les matériaux de construction les plus courants durant cette période d’après-guerre et sont toujours très présents dans les constructions aujourd’hui. Le recours à ces matériaux pour la construction a fait naître de nouvelles typologies d’habitats, mettant ainsi en avant des modes de vie innovants, tournés vers le futur, mettant ainsi de côté la tradition.
Connus pour des impacts très néfastes sur l’environnement, ces matériaux ont depuis quelques années fait émerger des alternatives dans les pratiques architecturales et constructives au Japon. Certaines institutions japonaises, œuvrant pour l’environnement, font part de leurs objectifs pour tendre vers une société « décarbonnée » (Teitansoshakai, 低炭素社会). À titre d’exemple, le groupe de construction de maisons préfabriquées SEKISUI House (積水ハウス), a mis en place des stratégies visant à construire des bâtiments à faible impact sur l’environnement (Kankyō e no eikyō no sukunai tatemono 環境への影響の少ない建物) . En 2008, le groupe a été certifié par le Ministère de l’Environnement du Japon comme étant la première entreprise ayant une démarche s’inscrivant dans une vision de développement durable. La même année, l’entreprise livre son premier projet « Zero Emission House » (eco-house, エコハウス). Aujourd’hui peu mis en œuvre dans le domaine de la construction, les matériaux biosourcés (Baiobēsu zairyō, バ イオベース材料), par comparaison à d’autres matériaux de construction plus conventionnels, présentent des atouts non négligeables pour l’environnement. L’origine végétale de ces matériaux en fait des puits de carbone qui participent à la diminution de l’effet de serre. Ces matériaux issus du domaine agricole consomment peu d’énergie pour leur transformation. La riziculture inondée est née au Japon de la culture Yayoi (弥生), où son développement s’est fait selon des modèles agronomiques modernisés. La plupart des agriculteurs japonais cultivent du riz, ce qui leur permet de bénéficier de revenus réguliers. En 2015, 52% de la surface agricole du Japon (hors Hokkaidō) étaient occupées par les rizières. Un peu plus de la moitié de ces exploitations ont une surface inférieure à un hectare. La région du Tōhoku (東北), au Nord-Est, est le premier grenier à riz du Japon. La paille de riz (inewara, 稲わら) au Japon pourrait être mise en œuvre de façon quasiment directe entre les champs de culture et les chantiers de construction. L’emploi d’un tel matériau, principalement utilisé au Japon pour des aspects thermiques (isolation) répondrait à un certain nombre de critères pour l’environnement. Il répondrait par ailleurs à des facteurs sociaux et à des enjeux auxquels est confronté le pays aujourd’hui, notamment par son importante décroissance démographique. Par la structuration de fillières paille de riz pour la construction de maisons individuelles, une économie circulaire, locale pourrait voir le jour, dans des régions où l’économie est affaiblie, notamment dû au fait de la désertification de certains villages. Cependant, il faut prendre en considération que le matériau paille de riz présente des limites (sensibilité à l’humidité, risques de moisissures, risques d’incendie, prévention vis-à-vis des insectes et rongeurs). En cela, il s’agirait d’une alternative pour construire des maisons individuelles écologiquement sages pour l’environnement. L’utilisation de la paille de riz pour la construction de maisons individuelles engendrerait des enjeux architecturaux, culturels et techniques...
Le séminaire doctoral de la Maison Franco-Japonaise remercie Japarchi et Madame Sylvie Brosseau, grâce à qui cette séance spéciale aura lieu. Un tel partenariat assure au séminaire de conserver et offrir à tous pluridisciplinarité, richesse et diversité.
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